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La Dimension du sens que nous sommes

RENTREE LITTERAIRE 2009 : Lyonel Trouillot, Actes Sud.

7 Septembre 2009 Publié dans #en lisant - en relisant

C’est très dangereux d’écouter les histoires des autres. Mathurin D. Saint-Fort s’était pourtant bien juré de leur tourner le dos, de ne s’occuper que de lui, de son ascension sociale, à gravir déjà péniblement l’échelle des reconnaissances truquées. Et puis un  jour, voilà Charlie qui débarque dans sa vie, convoquant son passé, ce vieil Haïti désespérant de misère crasse qu’il croyait avoir définitivement largué – sa propre famille comme une conscience embarrassante. Qu’est-ce qui lui a pris de l’écouter ? Ce n’est pourtant pas le cynisme de son milieu qui le rebutait au point d’ouvrir cette brèche en lui ! Peut-être la « franchise » de l’interpellation, cette vie de gosses des rues épris de justice. Bien que la justice, là où il en était, cela ne pouvait guère prendre de sens. Dans ce système de survie que s’était bricolé Mathurin, où chacun ne pouvait être décemment que le mercenaire de soi-même, quelle réalité un gamin tel que Charlie pouvait prendre ? A peine celle d’un conte, fantaisie vaine dans un monde où la littérature elle-même ne révèle rien, sinon une distinction de classe. Alors ce Charlie, vous pensez, lui rappelant ce qu’il cachait avec tant de soin, son prénom même, «Dieutor», tellement disqualifiant quand seule l’ambition organise la dimension de l’histoire que l’on doit être… Et donc ce Charlie, convoqué lui-même par le peu de poids de son existence, ne pouvait que disparaître à nouveau, sans laisser d’autres traces que romanesques.
Roman de la désespérance ? Pas certain. Si la misère haïtienne y fait surface, c’est sous les traits d’un personnage trop littéraire pour qu’elle y entre vraiment. Séduisant, certes. Le rêve est bien mené, mais chargé de trop d’artifices pour dire Haïti, voire le cynisme du monde dans lequel évolue le personnage principal, ou sa désespérance. Qu’importe même Haïti, ici : le monde réel est un  piètre écrivain. Reste la théâtralité du récit, son retour à l’équilibre. Le roman s’est transformé en romance, tout comme le « yanvalou », et l’épisode Charlie n’a produit qu’une réalité : un livre. C’est peu de chose, somme toute. – joël jégouzo--.


Lyonel Trouillot, Yanvalou pour Charlie, Actes Sud / Le Méac, août 2009, 176p., ean : 978-2-7427-8533-9, 18 euros
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