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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 05:00

Silence radio sur ce qu'il se passe en Autriche aujourd'hui. Rappelez-vous pourtant, il semble bien longtemps déjà, la Palme d’or décernée au réalisateur autrichien Michael Haneke pour Le Ruban blanc, explorant moins la genèse de la montée du nazisme que les soubassements culturels de la terreur à travers les dégâts de l’éducation protestante. Rappelez-vous encore ce prix d’interprétation masculine attribué à L’autrichien Christoph Waltz jouant un officier SS dans le film Inglourious basterds, de Quentin Tarantino... A l'époque, il semblait que l'Autriche revisitait son héritage nazi sans complaisance, mais la voici de nouveau en ordre autoritaire de marche. Une vieille tradition autrichienne, celle d'un pays qui réussit presque le tour de force de se faire passer pour victime au sortir de la dernière guerre...

Alors relisez ce roman, par trop passé inaperçu, qui avait déjà naguère emprunté ce difficile chemin de mémoire. Moins médiatique qu’une Palme d’or, plus difficile qu’un film virtuose signé Tarantino, La Peau du loup, mérite bien, aujourd’hui, d’être lu et relu. Et pas uniquement parce qu’il évoquerait le poids d’une mémoire accablante qui nous est de moins en moins étrangère : cette voix qu’il invente et parcourt a déposé son grain partout en Europe. Relisez-le, vous verrez bien assez, allez, de quoi il parle !
L'Autriche, elle, le sait, qui a pataugé longtemps dans le sang jusqu'aux chevilles, comme l’affirme Elfriede Jelinek. Pays d'amnésiques, l'accession au pouvoir de l'extrême droite y consacra "la faillite des hommes de nationalité autrichienne devant leur histoire". Mais peut-être aurions-nous dû moins voir dans l'épisode Haider l'homme qui fit honte à l'Europe, que celui qui fit sortir l'Autriche de son innocence. Il faisait un tel bruit autour du silence autrichien sur sa mémoire nazie !
Dans le village de Schweigein (silence), au bout du monde, un matelot se réveille en pleine nuit, en proie à un malaise indéfinissable. Il vient d'entendre un bruit qui a rempli toute la voûte du ciel. Une stridence qui paraît venir d'une vieille briqueterie en ruine. Inaudible d'abord, elle devient vite quelque chose de bestial. Un souffle à l’envers du souffle de l’Esprit, surplombant les hommes pour retomber sur eux comme ces couvercles de plomb sur les ciels de Baudelaire. Résonances sourdes de silhouettes, de figures sans image qui hantent la forêt. Figures dont on a confisqué l'image. Bientôt, des morts mystérieuses plongent le village dans l'ignoble. Tout tourne autour de cette briqueterie - un signe à déchiffrer. Sur le modèle du récit policier, le narrateur épie des objets qui se dérobent à la vue. Dans leur lente remontée au visible, il nous rend littéralement la vue. Mais la chose qui vient n'a tout d'abord ni visage, ni nom. "Il faut (même) se fabriquer des yeux d'oiseau de nuit" pour la voir, car elle est ignoble ! Seuls les cadavres, en Autriche, semblent parvenir à ouvrir les yeux. Cette trace sanglante qui encercle le pays et l'enferme, le matelot la piste, avant de "partir, loin de cette prétendue patrie".--Joël Jégouzo—


La peau du loup, de Hans Lebert, édition Jacqueline Chambon, 1998, 512 pages, ISBN-10: 2877111784, ISBN-13: 978-2877111782

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commentaires

C
Bien vu, j' ai eu l'occasion de rencontrer en Autriche lors d'une compétition de vol à voile une certaine Anna Reitsch , l' aviatrice préférée de Hitler à qui elle dût<br /> sa gloire...Nazi convaincue, elle avait visiblement de nombreux partisants...encore en 1962..!!! Je ne suis pas retourné en Autriche depuis...<br /> <br /> Salutations<br /> condor79
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