L'obsolescence de l'homme, Günther Anders, T. II, Sur la destruction de la vie à l'époque de la troisième révolution industrielle...
10 Novembre 2022 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #essais, #essai
Il faut lire et relire ce philosophe allemand émigré aux Etas-Unis dans les années 1930, plus d'actualité que jamais, qui fit de l'obsolescence le paradigme de sa pensée, pour «que nous ne nous retrouvions pas à la fin dans un monde sans hommes»...
On le voit, rien n'est plus urgent en effet, à l'heure où les scientifiques du monde entier se rebellent et s'alarment de l'inaction criminelle des gouvernements face à la tragédie climatique qui arrive à grand pas.
Dans ce tome II de son œuvre philosophique, publié en 1980 soit 24 ans après la parution du Tome I, Günther Anders tente de cerner les responsabilités et les causes de l'effroi que nous avons fini par nous créer : la logique systémique du néo-libéralisme, qui est devenue le sujet du monde à la place de l'être humain.
Cette logique néolibérale, Günther Anders l'a analysée comme «le temps de la fin». Déjà, au sortir de la guerre de 39-45, il avait compris vers quoi tendait notre société : Donnez-nous aujourd'hui notre consommation quotidienne était devenu le nouveau credo d'un système qui ne peut survivre que par son absence de sobriété : la finalité de son monde est de fabriquer des produits, pas du Bien Commun, ni moins encore du bonheur. Des produits donc, Et si possible, à l'obsolescence programmée. «Le mécanisme de notre monde industriel consiste désormais à produire de l'obsolescence». Avec pour idéal manufacturier celui d'élaborer des produits réalisés par d'autres produits, les produits de consommation devant générer quelque chose en retour pour que la chaîne ne s'arrête jamais : de la frustration, des déchets, des cancers, etc. Ce quelque chose évidemment, apparaît aussi bien comme situation dans laquelle il devient nécessaire de produire de nouveaux objets de consommation courante : des médicaments par exemple pour soigner les cancers, de la médecine donc, ou du désir. Les consommateurs humains n'y importent qu'en tant que par leurs actes de consommation, ils veillent à la bonne marche de la machine de production. Et le meilleur des produits, bien sûr, et parce qu'il ne sert qu'une fois, c'est la balle des fusils...
A grande échelle, l'humanité s'est ainsi donnée les moyens de produire sa disparition. Par la bombe H aux yeux tout d'abord de Günther Anders, Hiroshima ayant constitué pour lui, avec Auschwitz, le dessillement majeur. Par le réchauffement climatique pour nous aujourd'hui.
«Nous travaillons chaque jour à la production de notre disparition», ajoute même Günther Anders : nous ne vivons plus une époque nouvelle, mais un délai conclut-il. Un délai, puisque l'homme s'est transformé en matière première périssable elle-même, elle-même obsolescente. Car tout doit devenir obsolescent dans le système capitaliste : les objets produits, les machines, les êtres humains, la liberté : l'être humain d'aujourd'hui est moins important que les objets dont il dépend. Nous avons ainsi déjà disparus en devenant non pas les bergers de l'être, mais ceux des dividendes.
Günther Anders, L'Obsolescence de l'Homme, T. II : Sur la destruction de la vie à l'époque de la troisième révolution industrielle, traduit de l'allemand par Christophe David, éditions Fario, 2022, 31 euros, ean : 9782953625820.
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