Le monde sans fin, Jancovici et Blain
Paris, juillet 2050, 50° à l'ombre. Juste une moyenne saisonnière... Juste une prévision modélisée, mais déjà, en mai 2022, 10° à 20° au dessus des normales dans l'hexagone, des normales dont Météo France vient de décider de changer les dates repères, pour aplatir les écarts à venir et... rendre moins terrifiant, sur le papier, le réchauffement climatique ?
Paris, mai 2022, les médias saluent pareil « beau temps » qui ne peut être que le prologue d'un « bel été ». Oubliant ces 50° déjà atteints en Inde et qui ont tué. Longtemps. Beaucoup.
Comment aider à une vraie prise de conscience de l'urgence climatique ? Blain explique son projet, sa rencontre avec Jancovici, leur lecture commune du rapport du GIEC si peu commenté par les médias. D'où l'idée d'en faire une bande dessinée pour toucher plus de monde. Une BD centrée sur ces quelques lignes dont notre société ne veut rien entendre : celles de la sobriété énergétique, seule véritable issue à un réchauffement climatique qui désormais s'emballe et en s'emballant, menace de nous conduire plus vite, plus tôt, plus brutalement, aux 50° évoqués.
Tout leur raisonnement dès lors va s'articuler autour de cet impératif mis sous le boisseau, ou hypocritement repris par #TotalEnergies, #EDF, #ENGIE qui poursuivent « ailleurs » leurs projets d'exploitation d'énergies fossiles. De vraies bombes climatiques dégoupillées dans le dos des annonces proclamées. Car si l'on ne change pas de mode de vie, celui de la surconsommation et du gaspillage effréné, aucune mesure ne pourra enrayer la catastrophe qui arrive : on sera mort avant d'avoir épuisé les ressources de la terre... Dans la réalité des faits, depuis la Cop 1 de 1995, c'est la consommation des énergies fossiles qui a le plus augmenté, croissance oblige...
Et nulle autorité ne veut semble-t-il y mettre un terme. On parle de progrès du rendement agricole, mais les engrais phytosanitaires exigent l'exploitation de plus d'énergie fossile d'année en année, indépendamment du fait que ces engrais tuent eux aussi d'une mort lente et sûre les populations qui consomment les produits de l'industrie agro-alimentaire.
Les emplois de service ? Ils consomment plus d'énergie fossile que les emplois industriels...
La civilisation des villes ? Elle est plus coûteuse en énergie fossile que celle des campagnes.
La digitalisation de la société ? Les émissions de dioxyde de carbone du digital sont équivalentes à celles de toute la flotte mondiale des camions...
Nous avons bâti un système qui n'est « stable » que dans l'expansion -la fameuse croissance...
Alors répétons-le : à ce rythme de croissance, notre modèle économique fera que nous serons morts avant d'avoir épuisé les ressources de la terre...
Quant au climat... Faut-il y revenir ?
Les incendies de forêt de 2019 en Australie ont multiplié par deux les émissions annuelles de carbone australien...
Les océans ? Sous la chaleur, l'évaporation de l'eau est devenue une immense machine à démultiplier l'effet de serre...
Le réchauffement climatique produit du réchauffement climatique, selon une règle d'effet multiplicateur complètement hallucinante : le Groenland a commencé de fondre, et même si l'on pouvait arrêter aujourd'hui nos émissions, il continuerait de fondre pendant encore des dizaines d'années...
Il n'est pas jusqu'au système des plaques tectoniques qui ne s'en trouve affecté : mise en tension par le réchauffement climatique, la croûte terrestre bouge et va craquer bientôt spectaculairement. C'est acté : on connaîtra des tsunamis en Méditerranée...
Bref... Que faire ? C'est là où le doute s'installe. Parmi les solutions proposées, celle de l'inéluctable nécessité du nucléaire, dont on sait que Jancovici est le farouche défenseur. Alors certes, on sait que même en optant pour une société plus vertueuse, à moyen terme, une reconversion ne sera pas possible sans l'appoint du nucléaire. Moins dangereux qu'on ne le pense, affirment nos auteurs, bien qu'il soit toujours impossible aujourd'hui d'en évaluer clairement et le coût carbone, et les fragilités réelles. Mais admettons : même en lançant aujourd'hui un programme de construction massive de centrales nucléaires dans le pays le plus nucléarisé du monde, le nôtre, il faudra attendre 25 ans avant de voir ces nouvelles centrales entrer en service... Prévision optimiste en outre, quand on sait que les programmes d'EPR ont tous pris vingt ans de retard chaque fois... Et d'ici là, il faudra vivre avec un parc nucléaire français non seulement si vieilli qu'il en est devenu un vrai péril, mais en outre si obsolète que par exemple déjà depuis des mois, la moitié de ce parc est à l'arrêt... Quant à la gestion du démantèlement des vieilles centrales, silence radio : « on » finira par savoir un jour le faire, outre que personne n'est aujourd'hui capable d'en apprécier le coût réel. Et, cerise sur le gâteau : la gestion des déchets... Là encore, voyez Bure, « on », toujours, finira bien par savoir comment les gérer, sur des millions d'années... Autant d'hypothèses qui donnent le vertige.
Jancovici & Blain, Le Monde sans fin, éditions Dargaud, octobre 2021, 194 pages, ean : 9782205088168.
Et pour être tout à fait clair sur la BD, elle donne le sentiment que le lobby nucléaire s'empare de l'urgence climatique pour nous forcer la main et construire ses nouvelles centrales...
Le Droit du sol, Etienne Davodeau - La Dimension du sens que nous sommes (joel-jegouzo.com)
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