Le Droit du sol, Etienne Davodeau
26 Janvier 2022 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant
Non pas ce droit que l'on oppose au droit du sang, mais celui de la terre. « Journal d'un vertige », nous prévient l'auteur, autour du legs aux générations futures. Journal de voyage, dans le temps et dans l'espace, en France, par les chemins de grande randonnée. Au départ, l'envie de relier et donner du sens à ce lien, la grotte de Pech Merle aux souterrains de Bure. D'un côté sapiens légua une émotion artistique qui enjamba les millénaires, de l'autre, l'anthropocène s'apprête à léguer pour des millions d'années l'effroi nucléaire. Deux traces, deux actes. Je ne vous demanderai pas lequel est le plus noble, le plus intelligent, le plus émouvant. Pech Merle et Bure. La métaphore est puissante, le roman graphique, saisissant. A pieds de l'une à l'autre, du Lot à la Meuse. Des grottes de Pech Merle, Etienne Davodeau a rapporté des réflexions percutantes. En particulier cette idée que le dessin s'inscrit toujours dans un présent. Un présent qui nous rassemble, par-delà les vingt ou trente mille ans qui nous séparent de son événement. Il note encore, et quelle vision dans cette observation, qu'à quelques milliers d'années, d'autres mains anonymes ont poursuivi la composition de l'ensemble, répondant aux sapiens qui les avaient précédés, interpellant ceux qui allaient suivre. Journal de voyage ai-je écrit. Une pérégrination que nous suivons pas à pas, émaillée d'autres réflexions puissantes sur le temps de la marche : « la marche des piétons est plus vaste », observe par exemple l'auteur, qui donne au siècle son vrai poids là où les hommes pressés se satisfont de l'illusion d'un monde prétendument clos. Aveyron, Cantal, etc., un vrai bonheur que de faire avec lui la rencontre de ces quelques passants qui sont venus l'instruire, l'un sur ce qu'est un sol agricole -et nous en profitons avec plaisir-, l'autre, ancien responsable au Commissariat à l'Energie Atomique, autrefois chantre du tout nucléaire, aujourd'hui extrêmement critique à propos d'une énergie dont il sait que nous ne la maîtrisons toujours pas. Bure pour preuve, où l'on enfouit des déchets plus dangereux encore que le combustible des centrales nucléaires, des déchets que nous devrons « surveiller » des millions d'années, sans jamais avoir l'assurance d'en maîtriser le cycle. Et de nous rappeler que stockés à cinq cent mètres sous terre, ceux-ci dégagent de l'hydrogène, qu'il faut sans cesse ventiler au risque de les voir exploser... La moindre panne serait fatale... Tout comme il nous rappelle qu'en matière de démantèlement de centrales, nous ne faisons qu'improviser : pour mémoire, la centrale nucléaire de Brennelis a été arrêtée en 1985 et nous n'avons toujours pas réussi à la démanteler... Bref, un roman graphique aussi poétique que technique, dont il ne faut surtout pas se priver !
Le Droit du sol, Journal d'un vertige, Etienne Davodeau, éditions FUTUROPOLIS, octobre 2021, 214 pages, 25 euros, ean : 9782754829212,
Newsletter
Abonnez-vous pour être averti des nouveaux articles publiés.
Pages
Catégories
- 511 Politique
- 486 en lisant - en relisant
- 292 essais
- 128 poésie
- 77 IDENTITé(S)
- 67 LITTERATURE
- 66 entretiens-portraits
- 53 DE L'IMAGE
- 50 essai
- 36 Amour - Amitié
- 16 théâtre
- 2 danse