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La Dimension du sens que nous sommes

Viva l'Anarchie !, Bruno et Corentin Loth

2 Mai 2020 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant, #entretiens-portraits

25 juin 1926, Durruti, Ascaso et Javer sont arrêtés à Paris pour leur tentative d'assassinat du roi d'Espagne Alfonso XIII. L'Argentine demande leur extradition pour les pendre. La France les condamne à un an de prison tant les preuves sont légères. Paris, 14 juillet 1927. Ils sont libres et se retrouvent au Café Libertaire, un haut lieu du militantisme parisien. Makhno, l'anarchiste ukrainien, est présent. Lui, il a fait la Révolution d'Octobre. Autour d'une table, entourés de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs amis, ils racontent leurs trajectoires. Makhno le premier, qui évoque son engagement au temps des grandes famines d'Ukraine et des répressions sauvages des révoltes des paysans. Il raconte, bien avant 1917, son village : Gouliaï-Polié, et l'esprit des premiers «soviets» qu'ils y avaient inventés : le peuple s'emparant des outils de production, des besoins de chacun, ouvrant des écoles sur des modèles pédagogiques nouveaux, inventant leur solidarité, leur production, leurs Communs, ce communisme libertaire qui partout où il a éclos, a su travailler au mieux l'espace public. Il raconte la grande répression de 1908, son arrestation, la pendaison publique des anarchistes sur la place de l'église, le bagne pour les survivants. Presque 10 ans de bagne, celui de Boutyrka, surnommé «l'université révolutionnaire» : mystérieusement, la bibliothèque y abondait d'ouvrages révolutionnaires, dont les œuvres de Bakounine et de Kopotkine. Il raconte comment il avait réussi à changer les mentalités des détenus, comment il avait réussi à les convaincre de la force de la solidarité anar. Tuberculeux, battu à mort, envoyé au cachot jusqu'en 1917, il avait libéré par la Révolution. Sitôt libéré, il était retourné à Gouliaï-Polié. Il évoque les cercles anarchistes ukrainiens. L'immense production intellectuelle et pratique des anars partout dans le monde. Durruti s'exprime ensuite, rappelle la misère en Espagne à cette époque, la famine, le joug de l'église, la révolte des tanneurs en 1903. La répression sauvage qui s'en était suivie, la pègre ralliant le camp du patronat pour enlever, bastonner, assassiner les réfractaires, et son enrôlement trois années dans un bataillon disciplinaire. L'hôpital avant la fin de cette période, son évasion, sa fuite en France, les milieux anarchistes français. La discussion s'enflamme, superbement animée par le dessin et le traitement apaisé de la couleur dans les planches. Elle tourne autour de la nécessité de se former intellectuellement, et de la question de la violence révolutionnaire : le braquage de la banque de Gigon, de la banque d'Espagne ensuite, pour récupérer ces fonds permettant matériellement de financer des actions concrètes : la création d'écoles, de bibliothèques, de librairies, d'outils de production, de prises en charge sanitaires et sociales des populations affamées. La BD s'arrête là. Richement documentée, on attend la suite avec impatience !

Bruno et Corentin Loth, Viva l'Anarchie, la Rencontre de Makhno et Durruti, édition La Boîte à bulles, février 2020, 80 pages, 18 euros, ean : 9782849533161.

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