Crazy Brave, Joy Harjo
20 Avril 2020 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #poésie
Récit de vie. La grande poétesse amérindienne, née Creek, se raconte et raconte cette longue histoire toujours vivante, toujours poignante, des Indiens d'Amérique. « The world begins at a kitchen table », écrit-elle dans son poème Perhaps the world ends here : simplement, parmi nos rires et nos larmes, nos saines paniques devant cet immonde que l'on nous a méthodiquement construit pour monde, sous l'emprise des idéologies mercantiles. Joy Harjo raconte sa vie de migrante, d'un point cardinal l'autre. Née à l'Est, où tout commence, là où « émerge l'esprit du jour avec le soleil », dans l'Oklahoma du pétrole. A Tulsa pour être exact, au nord de la nation Creek. Sa nation. Elle relate l'histoire d'une enfant contrainte de vivre dans un bout de terre que les américains ont fini par appeler dédaigneusement le « territoire indien ». Et la voix de sa mère Creek comme un guide intérieur, portant le souvenir des massacres perpétrés contre leurs ancêtres. Des guerriers. De mémoire de filles. Des guerriers, matrice d'une révolte qui n'aura jamais de cesse : l'enfant raconte cette vieille légende Creek selon laquelle à la naissance, chaque nouveau né est accompagné sur la terre d'accueil par un ancêtre. L'ancêtre qui lui prit la main l'emmena sur ces terres gorgées du sang Creek, contempler l'immense injustice faite à son peuple. Le Nord ensuite. Son père décédé. Un beau-père tyrannique, le collège et l'ouragan Carla, qui comme toutes les catastrophes, frappe durement les familles les plus pauvres. Joy a dix ans. Déjà sa passion la porte vers les lettres et les beaux-arts, le théâtre. Elle lit et nous fait part de ses lectures d'enfance, troublée, troublante, dont celle de la Bible, qu'elle lut d'abord comme un « recueil de lois tribales ». Ce n'est pas faux... L'école indienne enfin, qu'elle ne quittera plus. Joy vit au Sud désormais. Le Sud des grandes manifestations et du refus de se voir enfermer dans cette identité américaine dévastatrice. Et son refus toujours présent de capituler devant les brimades faites à son peuple, toujours renouvelées. Des brimades qu'elle sait partager avec tous les opprimés et que tous doivent combattre, car dans ce monde, « nous n'avons plus d'endroits où vivre, puisque nous ne savons plus vivre les uns avec les autres ». Joy Harjo écrit toujours. Elle fit passer dans sa poésie toute la force métaphorique de la langue Creek. Lauréate du grand prix de la poésie des Etats-Unis en 2019, pas dupe, elle poursuit son œuvre « au galop sur la plaine brumeuse ».
Crazy Brave, Joy Harjo, éditions du Globe, janvier 2020, traduit de l'américain par Neleya Delanoë et Joëlle Rostkowski, 166 pages, 19 euros, ean 9782211306652.
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