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La Dimension du sens que nous sommes

Cerbère, Daniel Besace

17 Septembre 2019 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

La terre a amorcé son agonie. Ses sols sont épuisés, son eau bientôt impropre à la consommation, son air irrespirable. Les riches, irresponsables, qui sont aussi ceux qui dirigent froidement les nations, ont envoyé sur Mars une mission d’exploration : le sol terrien est fichu, contaminé, empoisonné, il faut à présent tenter de faire pousser des plantes en serres à l’autre bout du système solaire. Mars n’est qu’une étape vers des destinations plus lointaines : il s’agit donc d’y créer artificiellement de nouvelles conditions de vie humaine. Thersimacles, notre narratrice, est géologue et agricultrice. Elle raconte ses sept mois de voyage vers Mars. Ses renoncements, les changements qui se sont opérés dans son corps, les mutations génétiques prévisibles. Deux mois après leur arrivée, deux femmes de la mission sont tombées enceintes. Deicoon est l’un des pères. Qui très vite disparaît, tandis que l’on découvre aux abords de la mission d’immenses empreintes de chien. La fable pétrifie, elle est comme une projection dans les temps antiques, la régression vers ces horizons dont on croyait s’être débarrassés, où la violence était la seule ligne de fuite possible d’une piteuse humanité. Voulons-nous réellement devenir martiens ?  Récit de fin d’humanité et de l’enfance d’autre chose, indécidable encore, ce que l’auteur nous laisse entrevoir, ce sont les rêves de voyageurs englués dans l’immensité, qui n’ont jamais su prendre ni la mesure de leur responsabilité, ni celle de cette immensité. Deicoon, peu à peu, s’est éloigné de ses collègues, de ses amis, de sa propre humanité : «J’ai été humain». Comment l’être encore en effet ? Qu’est-ce qui nous porterait à l’être ? Embusqué désormais, il est l’immensité indomptable qui veille : «lorsqu’ils seront prêts à parcourir l’univers, j’aboierai si fort que la Terre tremblera».

S’il est une morale dans ce conte, je la vois s’exprimer comme par la bande dans un passage du journal de Deicoon qui nous est rapporté, lorsque celui-ci évoque son expérience de la guerre d’Irak, sans songer qu’il parle au fond de la destinée humaine : «Le premier homme n’était qu’un pauvre soldat irakien qui pataugeait dans le pétrole avec l’intention de se rendre». Il faut entendre ce Premier Homme au sens le plus fort de l’expression, témoin d’une humanité confisquée, non par des dieux, mais par ces monstres semblables aux décideurs qui envoyèrent sur Mars la mission dont il est question dans l’ouvrage.

Daniel Besace, Cerbère, édition Riveneuve, avril 2019, 138 pages, 15 euros, ean : 9782360135684.

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