Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Dimension du sens que nous sommes

Les écœurés, Gérard Delteil

20 Mai 2019 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

Décevant. Un roman de circonstance. « La mort d’un gilet jaune », arborait fièrement le bandeau de l’éditeur.  La mort du roman noir bien plutôt… A surfer pareillement sur la vague de l’actualité... Bref... Un jeune flic tout frais émoulu de l’école de Saint-Cyr au Mont-d’Or est chargé par son commissaire d’infiltrer les gilets jaunes au rond-point du Mouchoir Rouge (sic !), dans la région de Dinan. Le lieutenant Devers, qui ne rêve évidemment que de rallier la Crim’, l’objet réconfortant du polar français, bougonne. Mais les ordres sont les ordres.  Il débarque donc au rond-point. Une cabane, barrage filtrant. Les médias ont suffisamment installé le décor pour n’y pas revenir… Bruno, l’animateur du mouvement, en a fait son quartier général et se rêve un destin de leader. Sollicité par les autorités et les médias, il finit très vite par se dessiner un destin médiatique… Devers écoute, discret. C’est bon enfant. Il observe que des hiérarchies s’organisent, sans trop pouvoir conclure à ce sujet. Tout va bien pour l’heure, la sous-préfète n’est pas vraiment inquiète, ni le commissaire. La police locale se montre même bienveillante. Jusqu’au jour où une gilet jaune se fait renverser par une voiture, et meurt. On sent que Delteil a suivi les informations mainstream. L’accident va tout changer. On enquête mollement côté commissariat, tandis que Devers se fait raconter sur le rond-point les magouilles des nantis, dont celles du directeur du supermarché, dont la femme tuée accidentellement était l’employée, au courant de tout… Devers songe bien évidemment que ce pourrait être un meurtre, et va nous faire suivre cette piste. Et notre lieutenant de s’étonner tout de même que l’enquête soit pareillement bâclée du côté de ses pairs… C’est que le commissaire affiche un sacré mépris pour les gilets jaunes. Sur place, des pièces à conviction ont été négligées, voire abandonnées, entre les mains de notre lieutenant à présent, qui file le parfait amour avec une jolie gilet jaune… Des gilets jaunes sans grand discours. L’intelligence est du côté de la police, du lieutenant, notre focale, et d’un vieil enquêteur de la DGSI qui fiche tout le monde sans illusion. Des gilets jaunes, Delteil nous montre le racisme, la beaufferie, quelques souffrances bien sûr, quelques émotions, il faut bien, mais pas grand-chose au final. La ville compte une librairie facho, des gilets minoritaires plus bruns que jaunes, un ancien militaire ridicule reconverti à l’ordre du terrain contestataire, un leader vendu au prestige dérisoire de sa charge, et ça finit par un vandalisme de cagoulés, tout de même appointés par un bourgeois de la ville jaloux d’un commerce concurrent... La foule reste une grosse bête idiote qui ne sait trop que faire, sinon un jour bloquer le port avec l’aide des «infiltrés» de Dinan, on voit que Delteil partage la théorie du complot des black-blocs. Bref, on a tous les stéréotypes de la presse mainstream, y compris dans la pseudo radicalisation du mouvement bloquant le port, quelques heurts tranquilles avec les CRS, une occupation de lycée caricaturale pour donner une touche supplémentaire d’actualité au roman et des ados plus boutonneux que jamais qui n’ont rien à dire, sans compter les fameux habitués des manifs violentes... Une sociologie pitoyable, avec internet qui est le Mal et la bêtise incarnés… Les gardes mobiles sont plutôt gentils, les flics compréhensifs, sauf un, méchant méchant, qui contraindra notre jeune lieutenant à se jeter dans la mêlée pour sauver sa dulcinée, violemment gazée par ce crétin. Mais la donzelle en question apprendra la trahison de son cher, lequel, au moins par la pensée, se sent plus proche du mouvement que des siens, auxquels il lui est difficile de renoncer, parce qu’un jour la Crim’ pourrait bien lui tendre les bras. La Crim’ qui lave plus blanc que blanc dans le polar français... Heureusement qu’on les a, sans quoi tout le monde détesterait la police…

Les écœurés, Gérard Delteil, éditions du Seuil, coll. roman noir,mai 2019, 18 euros, 236 pages, ean : 978021431230.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article