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La Dimension du sens que nous sommes

Sur le délit de dissimulation du Visage, pour mieux détruire les visages…

15 Avril 2019 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Les manifestations sont l’occasion de violences policières innombrables, qui font aujourd’hui l’objet d’une interdiction de protection des visages des manifestants, lesquels doivent se résoudre à exposer leur visage à l’agression des gaz, des matraques, des tirs de flash-ball…

Dans la philosophie d’Emmanuel Lévinas, qui porte essentiellement sur l’éthique du rapport à autrui, le Visage occupe une place centrale : il est le lieu d’accomplissement de ma responsabilité-pour-autrui (Ethique et Infini). Cette relation à autrui s’entend dans sa pensée comme asymétrique : tout sujet doit agir en fonction d’un impératif, non d’une attente. Même si le sujet doit y laisser sa vie. La relation à autrui ne peut être que souci désintéressé, l’homme ne peut exister que «pour autrui». Or, le lieu de la rencontre avec autrui, c’est précisément le Visage. L’expérience d’autrui prend la forme du Visage. Qu’est-ce qu’un visage ? Certainement pas, chez Lévinas, ses caractéristiques anatomiques. Lévinas décrit le Visage comme une vulnérabilité, un dénuement qui supplie le sujet d’accéder à son être. Mais cette supplique est une exigence de soutien et d’aide. «Le Visage s’impose à moi sans que je puisse cesser d’être responsable de sa (vulnérabilité).» Dans ce rapport au Visage, le regard devient plus qu’une simple perception, car, encore une fois, l’accès au Visage est d’emblée éthique. Reprenons : le Visage est exposé, sans défense. Il est l’interdiction de tuer, de mutiler, de blesser, d’offenser. Qui invite évidemment tous ceux qui refusent à autrui son humanité, à le détruire. Car le Visage est sens, un commandement moral qui renvoie chacun à sa responsabilité devant l’humain : je dois répondre de tous les autres. La Loi morale s’incarne dans la figure d’autrui. Dans Totalité et Infini, Lévinas affirme encore que le «déchirement du monde» si cher aux philosophes, ce dévoilement de la vérité, a quelque chose à voir avec cette extériorité du Visage : l’injonction éthique trouve sa source première dans le fait qu’autrui me regarde. Il faut protéger le Visage comme le trésor le plus intime de la Création. Il faut en prendre soin, le protéger, le secourir. Quant à l’anonymat, tellement revendiqué par nos policiers en déroute de leur propre humanité sur le terrain des manifestations, il est ce qui rend interchangeable les individus, ce qui les déshumanise, il est l’imprésentable, l’épreuve d’un ordre inassimilable, la meute, non le singulier.

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