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La Dimension du sens que nous sommes

Appel aux psychologues : qui nous expliquera la psychologie de masse des CRS ?

12 Avril 2019 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Ils frappent, estropient, éborgnent, mutilent, de plus en plus gratuitement et dans la plus totale impunité. Comment expliquer cette violence ? Par la violence institutionnelle qui contraint les CRS à «obéir aux ordres» pour «réguler» la violence sociale ? Mais si leur règlement leur donne pour devoir de contenir les manifestants, leur donne-t-il celui de les «punir» ? Nasses, manifestants alignés contre un mur, lycéens mis à genoux… des procédures strictes réglementent les gestes de la répression policière. Mais alors que leur tâche est d’assurer la surveillance des manifestations, on voit nos CRS exercer leur travail de manière sanglante. Jusqu’où croire en leur simple statut de subordonnés ? Que penser de cette violence, sinon qu’il est grand temps de la questionner ? Qu’est-ce qui conduit un homme à la CRS ? Qu’est-ce qui le fait rester ? Quel rôle joue la violence physique dans ses choix ?

Les uns bastonnent, les autres gazent à bout portant… Chaque jour ils s’accoutument à l’exercice d’un pouvoir qui «force, plie, brise, détruit» (Foucault). Quelle jouissance procure le fait d’exercer un tel pouvoir ? En fin de compte, qu’est-ce qui rend ce métier attrayant ?

Qui explorera les processus d’initiation et d’adaptation des CRS à la réalité de leur tâche ? Qui explorera les fondements psychologiques de cette appétence à la brutalité ? Qui documentera cette expérience de la violence que chacun d‘entre eux fait ? Qui étudiera la caserne et l’apprentissage de ces techniques minutieuses de prise de possession des corps des manifestants ? Qui décrira la gestuelle des coups, la chorégraphie des chocs, la mécanique des corps en armes ? Qui analysera ces techniques disciplinaires que subissent les CRS, qui permettent de les conditionner à frapper, blesser, mettre hors d’état de «nuire» ? De quel sentiment de puissance le CRS est-il porteur ? De quelles frustrations ? Humiliations ? Comment se forge son sentiment d’appartenance ? Et à quelle communauté ? Comment se forge l’esprit de corps ? Que penser de cette socialisation de la violence entre eux ? Est-elle le fait de pressions par les pairs ou d’influences réciproques au sein de la compagnie ?

Qui saura nous dire pourquoi la manifestation, aux yeux d’un CRS, doit devenir un lieu de souffrance ? Est-ce le symptôme d’un désir de domination ? A qui s‘adresse en fait cette violence ? A la victime ? Aux pairs ? A la société ? Pourquoi sont-ils si nombreux à ajouter l’humiliation à la violence ? On les a vus piétiner des manifestants : est-ce une étape nécessaire du processus de dégradation de la victime ? Un geste symbolique destiné à marquer la séparation entre le monde des tortionnaires et celui des victimes ? Quand la victime gît à terre et que le CRS ne peut s’empêcher de lui décocher un coup de pied dans la figure, ou le bas-ventre, que se passe-t-il dans son esprit ? A quoi renvoient ses bottes de cuir devenues soudain des armes alors qu’elles sont censées le protéger des coups ? Accède-t-il ainsi à une sorte de «toute-puisance» ? (Übermacht, concept forgé par Canetti et qui désigne une relation de domination caractérisée par une dissymétrie totale du rapport de force entre le tortionnaire et la victime).

Comme l’anthropologue française Véronique Nahoum-Grappe l’a rappelé, un être violent ne peut exister que dans une situation où il se sent autorisé à commettre des actes de violence humiliants. Ce contexte d’impunité et d’acceptation politico-sociale est une condition sine qua non des comportements monstrueux (Nahoum-Grappe). Or ce contexte, précise-t-elle, déclenche toujours un processus d’aggravation : plus on accepte, plus on est prêt à accepter le pire. Mieux : l’acceptation appelle le pire. Un tel champ de latitude ouvre aux plus grands dangers…

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