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4 octobre 2018 4 04 /10 /octobre /2018 12:16

Ichrak est morte. Égorgée. Le commissaire Mokhtar enquête. Il est sur les traces du dernier homme à l’avoir vue : Sese. Un migrant. Un africain. Honni comme le sont les africains au Maroc, et qui ne cessent de subir des expéditions punitives qui ressemblent de plus en plus à des pogroms… Au travers de Sese, c’est toute l’histoire des migrants qui défile, de canots de sauvetage en pirogues, jusqu’à ces sardiniers qui les larguent sur les côtes du Maroc en leur faisant croire qu’ils arrivent en Europe. Sese a fait sa vie au Maroc. A Casablanca, trois millions d’habitants, cette ville aux richesses insolentes et aux inégalités insupportables. Une campagne d’expropriation y est menée du reste. Il faut chasser les pauvres, séduire les riches de cet autre monde prédateur, bâtir leurs hôtels 5 étoiles, leurs palais des Congrès, leurs clubs de nantis. Et tous les moyens sont bons pour exterminer ces pauvres, littéralement. Sese est beau gosse. Ichrak, elle, était tout simplement d’une beauté inouïe. Sulfureuse, forcément, dans cette partie saccagée de la ville, offerte à la démolition, au pillage, au crime. Ichrak pourtant ne faisait que rêver d’un père, qu’elle a cru trouver en la personne bienveillante de Cherkaoui… D’un père et de poésie, de littérature, écoutant sur son baladeur poètes et écrivains d’Afrique du Nord, nous donnant au passage à découvrir les sublimes proses d’Assia Djebar ou de Katouar Harchi. Aussi Sese le débrouillard l’amuse-t-elle, qui cherche à l’entraîner dans des combines hasardeuses. Lui vivait jusque-là en soutirant aux riches veuves européennes leur argent. Il est tout l’opposé d’Ichrak, fan de Booba et de rap puéril. Mais en découvrant Ichrak, de nouvelles idées d’escroqueries lui sont venues : elle est si belle qu’aucun homme ne saurait lui résister… Sese, touchant, sympathique, évoquant le Zaïre, Mobutu dont il a fait son guide. Le tout sur changement climatique. C’est que le Gulf stream est en passe d’abandonner nos régions, provoquant déjà des catastrophes en cascades, des bouleversements tellement symboliques de cette brutalité du monde que les nantis nous imposent, nous précipitant, tous, dans leur chaos… Superbe fable menant de front mille thématiques contemporaines, dont on voit très bien ce qui les relie entre elles : cette fin du monde, cette mort triviale que les riches nous préparent, cette finitude qui n’appartient qu’aux chiens.

La Belle de Casa,  In Koli Jean Bofane, Actes Sud, août 2018, 204 pages, 19 euros, ean : 9782330109356.

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