I am not your negro, James Baldwinn & Raoul Peck
13 Décembre 2017 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #essais
Des textes de Baldwinn, rassemblés par Raoul Peck : Baldwinn est mort avant d’en achever la rédaction. Des notes éparses donc, écrites autour des grandes figures de l’émancipation noire américaine, dont Malcom X et Martin Luther King. Une recherche en fait, à laquelle il voulait donner pour nom Remember this House. Une quête autour de ces mouvements qui ont fini tout de même par créer «de nouvelles métaphores» entre les hommes, leur victoire. Une perception juste, forte de ce que peut être l’horizon des luttes, tout comme celui de la domination, dont nombre d’entre nous se dédouanent si aisément : «Sans leur justification civilisatrice, les conquêtes coloniales auraient été idéologiquement impossible». De quoi donner à réfléchir. I am not a negro est aussi un film, celui de Raoul Peck, qui raconte comment il a construit tout cela. Intercalant entre les notes de Baldwinn et ses propres commentaires des textes ahurissants de haine raciale, datés des années 1950… Ou l’image de Dorothy Counts, 15 ans, placardée sur les kiosques des grands boulevards parisiens alors qu’elle se rend à son école sous les crachats d’une foule blanche… Voire les rapports odieux du FBI concernant Baldwinn. Ce dernier réalisant la force de la haine des blancs, focalisés sur leur terreur de l’homme noir construit en figure commode de leur propre effroi devant la vie. Baldwinn n’hésitant pas à révéler qu’au fond, même après la guerre de 39-45, cette Amérique rêvait encore d’une solution finale pour les noirs. Avec derrière ce rêve, l’ombre portée d’une civilisation qui s’est empêtrée dans un mensonge : celui de son prétendu humanisme. Rien d’étonnant alors à ce qu’il puisse voir dans la figure du blanc la métaphore même du pouvoir, qui n’est rien d’autre qu’une «manière de décrire la Chase Manhattan Bank»… Combien résonne son propos aujourd’hui ! Cette interpellation surtout : «Si je ne suis pas un nègre, ici, et que vous l’avez inventé, si vous, les blancs, l’avez inventé, alors vous devez trouver pourquoi. Et l’avenir du pays dépend de cela, de si oui ou non le pays est capable de se poser cette question»… Songeons alors à celle que nous devrions encore nous poser, nous français, concernant les musulmans, les rroms…
I am not your negro, James Baldwinn & Raoul Peck, éd. Robert Laffont, Velvet film, traduit de l’américain par Pierre Furlon, septembre 2017, 140 pages, 17 euros, ean : 9782221215043.
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