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La Dimension du sens que nous sommes

Législatives : fin de Partis ?

18 Mai 2017 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Il n’y aura pas de vague Insoumise. D’abord parce que le gouvernement de campagne de Macron raflera la mise sur un vaste périmètre, Macron présentant, ainsi que l'a commenté avec pertinence Mélenchon, partout, 3 candidats : 1 LR, 1 PS et 1 En marche... Ensuite parce que son gouvernement de campagne offrira aux Droites extrêmes le tandem Collomb-Strzoda capable de les séduire. Monsieur Flashball saura mater les manifestants et Collomb pourra mener en grand ses chasses aux pauvres, aux rroms, aux sans-papiers, pour satisfaire la clientèle lepéniste. Parce que, toujours, le Premier Ministre, Edouard Philippe, en approfondissant l’œuvre droitière du précédent gouvernement saura attirer les Droites forcenées : LR et socialistes, conforté dans ses décisions par un Bruno Le Maire décidé à faire rendre gorge aux chômeurs et aux tributaires des minimas sociaux. La Ministre du travail, Muriel Penicaud, qui a passé sa vie à arpenter les salons des conseils d’administration des grandes entreprises internationales, saura, elle, «libérer» le travail, dont on sait depuis la guerre de 39-45 combien il peut «rendre libre»… Pour les inquiets de l’Europe, l’européaniste béate Marielle de Sarnez saura donner du cor et nous faire entendre que cette Europe de la finance est notre seul salut et que toute opposition à cette Finance de l’europe ne peut être que rétrograde, sinon réactionnaire. Enfin et surtout, le tandem Hulot-Nyssen saura séduire une frange importante d’écologistes et de démocrates de bonne volonté, sinon de bonne composition : quel beau signe, nous diront-ils, qu’une ministre de la culture cultivée. Ne pourrions-nous pas leur accorder au moins le crédit de l’ouverture d’esprit ?

Il n’y aura pas de vague Insoumise, parce que les Partis moribonds n’en ont pas fini d’agoniser. EELV, comme à son habitude, traîne déjà ses gamelles pour manger à tous les râteliers. Là, c’est moins le Parti qu’il faut sauver que des carrières mesquines. Accords à droite, à fausse gauche, à gauche, tout est bon pourvu qu’on leur serve leur brouet quotidien. Le PS, lui, jusqu’à la lie viendra faire barrage aux Insoumis. Accords avec la Droite, accords avec Macron, accords avec EELV, accords avec le PCF… et que dire de ce dernier, qui déjà a passé ses accords pour se maintenir sous respiration assistée ?

Il n’y aura pas de vague Insoumise, parce qu’il ne faut pas se leurrer : avec les législatives, c’est leurs calculs politicards que nous prenons en pleine figure. Les appareils savent compter en outre : passer un certain seuil, 1 électeurs rapporte 8 euros. Hamon ne le sait que trop bien, lui qui s’est aussi maintenu pour gagner ses 5% et son remboursement de campagne… Il ne faut pas se leurrer, parce que le jeu de financement public des partis est un jeu de dupe. Tout comme celui des subventions accordées aux médias qui nous enfument, ou bien cet argent public qui file dans les poches des cadres supérieurs à travers les subventions accordées aux grandes écoles et aux classes prépas, dont ils sont les bénéficiaires patentés. Nous payons notre Domination. Très cher. Partout. Toujours.

Il n’y aura pas de vague Insoumise, parce que sur le terrain, les appareils s’y emploient. La presse s’y emploie. Parce que la République française n’est qu’un formidable leurre. Parce que les législatives n’ont qu’un but : maintenir résolument les citoyens en dehors du périmètre de production de la norme. Parce que la représentation politique française dispose d’un pouvoir discrétionnaire qui interdit que nous passions de l’expression de nos besoins à celle de nos droits. Parce que les législatives sont faites pour désarmer la volonté populaire.

Il n’y aura pas de vague Insoumise, parce que les arbitres seront nombreux cette fois, outre le PCF, le PS, EELV, il y aura encore et toujours le FN. Pour contrer cet espoir qui nous retient peut-être de trop au chevet d'une démocratie assassine. Il n’y aura pas de vague Insoumise, parce que les législatives sont faites pour étouffer tout espoir, tout comme pour épuiser la possibilité d'une issue politique. Elles signent en réalité le retour à la normale de l’aliénation joyeuse. Elles sont le symptôme du renoncement à toute forme de radicalité. Tina : There Is No Alternative. Exit les poussées aux extrêmes, la figure du député est bonasse : regardez-les dormir dans l’hémicycle. Eux-mêmes savent combien le poste est peinard. La normalisation de la vie publique est en cours, on est prié de ne pas réveiller les dormeurs de la République.

Que reste-t-il alors ? Nous avons perdu la bataille culturelle, nous avons perdu la bataille sociale, nous allons perdre la bataille politique. Demain, Macron lèvera ses armées : médias aux ordres et bruits de bottes dans la rue. Les mouvements sociaux seront réprimés dans l’effroi, Macron les empêchera de poursuivre leurs tentatives de rouvrir de force la nasse où gît l’espoir politique. Que faire ? Déserter l’espace public politique, tellement corrompu et tellement verrouillé ? Le réinventer ailleurs ? Faut-il partir en exil, comme le conseille Negri ? Avec le gouvernement Macron, l’illusion politique atteindra son summum. Faux changement mais bon casting. Il reste ce souffle puissant des Insoumis qui n’a pas encore trouvé son exacte traduction politique. A l’heure où il nous faut envisager d’affronter un échelon supplémentaire d’aliénation politique, le danger serait au fond que cette énième défaite nous pousse au dégoût de tout. La souffrance sociale est toujours là. Peut-être faut-il procéder autrement, ne surtout pas créer de Parti des Insoumis, mais amplifier le mouvement, l’étendre, lui laisser la bride sur le coup, encourager partout la prise de parole, ouvrir partout des Cahiers de Doléances à la manière de l’enquête de Bourdieu sur la Misère du monde. Que cette fin de partie ne marque pas l’émergence de nouveaux renoncements : devenons multitude, devenons le nombre et la justice, puisqu’aucune des injustices et des souffrances dont nous souffrons ne sont représentées politiquement.

Crédit photographique : Julien Brygo, reporter, julien-brygo@wanadoo.fr

Né en 1980 à Dunkerque, Julien Brygo est journaliste indépendant. Il travaille entre autres pour Le Monde diplomatique.

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