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La Dimension du sens que nous sommes

Vivre son personnage, entretien avec Antoine Tomé autour de Carnets noirs, de Stephen King

13 Mars 2017 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #entretiens-portraits

Antoine Tomé a donné vie au livre de Stephen King, Carnets noirs. Il s’en explique.

 

Joël Jégouzo : Délibérément, vous n’avez pas voulu lire le roman que vous alliez interpréter, pour le vivre au fil du texte. Je trouve cela très intéressant et très audacieux : sans filet, cela vous met dans la même position que le lecteur lambda qui découvre le texte sans pouvoir l’anticiper –l’hypothéquer peut-être ? Mais avec cette différence qu’il vous faut être d’emblée dans une atmosphère, dans un ton, dans une construction qui ne peut être, là, «a priori»… Il y a ainsi une sorte de «franchise» qui étonne dans cette démarche, dont je ne sais trop comment elle «passe» dans l’écoute, mais qui porte quelque chose de ce dévoilement auquel opère le travail de l’artiste. Vous pouvez nous en parler ? Cela dit, comment se construit l’atmosphère d’un roman lu ? Vous a-t-on auparavant briefé sur l’atmosphère qu’on voulait, ou bien êtes–vous totalement libre de votre interprétation ?

Antoine Tomé : J'ai lu les deux ou trois premiers chapitres des "carnets noirs" un ou deux jours avant de commencer l'enregistrement, et j'ai donc pu ainsi saisir déjà un peu quelle serait la tonalité de ce roman. Mais il est vrai (comme j'ai pu le faire lors de lectures précédentes et comme je l'ai fait pour les chapitres suivants) que j'aime bien m'immerger dans l'univers d'un roman, comme on se jette sur la scène, tous sens en éveil, pour se livrer à une improvisation théâtrale sur un thème donné. Car il y a toujours, en effet, quelques éléments qui nous sont livrés : lors du casting, on a pu faire connaissance avec les personnages et on a découvert, un peu, la situation et la "tonalité" du récit. Le fait de se mettre ainsi, relativement, "en danger", vous oblige à faire appel à d'autres ressources, à une concentration décuplée, et à suivre plus étroitement les personnages et l'histoire à travers les situations que l'on découvre, à les "vivre". Car c'est la Magie de la vie qu'il s'agit de créer. Il s'agit de faire en sorte que l'auditeur ait réellement accès aux images décrites et aux émotions déclinées et cela n'aura lieu que si nous les assumons comme l'auteur, le créateur, l'aurait souhaité. Tel est l'enjeu.

 

jJ : Est-ce de beaucoup différent du travail du comédien sur scène, qui n’incarne par exemple qu’un seul personnage. Comment incarner dans leurs différences une multitude de personnages ?

Antoine Tomé : Pour moi, c'est un travail de comédien. Comme je l'ai dit plus haut, il s'agit de vivre ces personnages, de les assumer comme on assume des rôles dans une pièce -il y a aussi, n'est-ce pas, des pièces où l'on joue plusieurs personnages à la suite. Le travail du comédien consiste à assumer des identités différentes, à faire siennes des émotions différentes avec une souplesse et une vérité qui permettra au spectateur (ou au spectateur-auditeur) de s'identifier à son tour au personnage et de ressentir les émotions déclinées par l'acteur (ou de visualiser les scènes exposées par l'acteur-lecteur). Lors d'une Lecture, il nous manque cet instrument de communication que peut être le corps pour un comédien, mais le travail est le même, on utilise la même alchimie pour créer des images et des émotions auxquelles l'auditeur pourra accéder.

 

jJ : Vous arrive-t-il d’être surpris par le texte, une réplique, une phrase ?  Un personnage ?

Antoine Tomé : Oui, cela peut arriver. Les personnages ont des motivations qui ne sont pas forcément clairement exposées dès le départ, et une situation particulière peut servir de révélateur, de détonateur, et faire rebondir soudain l'histoire dans une direction à laquelle on ne s'attendait pas. A nous, comédiens-lecteurs, de bien négocier ces virages, pour le plus grand bénéfice de l'Auditeur.

 

jJ : Comment parvenez-vous, sur une telle distance, à conserver votre unité de ton ?

Antoine Tomé : Le fait d'être immergé dans l'histoire, d'assumer les personnages et de faire ainsi mon travail de comédien avec toute l'intensité nécessaire, m'amène automatiquement à suivre le fil que l'auteur a déroulé... Et puis, le Directeur Artistique est là pour me rappeler à l'ordre si jamais il m'arrivait de m'écarter de la ligne, au détriment du récit.

 

jJ : Vous arrive-t-il de rencontrer l’auteur du roman que vous interprétez ? Avant ? Après ?

Antoine Tomé : Non, cela ne m'est encore jamais arrivé. Mais c'est une éventualité que j'envisage avec intérêt !

 

jJ : Qu’est-ce qu’une lecture réussie, à votre goût ?

Antoine Tomé : C'est une histoire qui fait vibrer l'auditeur. Il vit des images, il ressent les émotions, il est transporté ! J'ai pu transmettre la com-munication de l'Auteur ! Grâce à mon travail, l'auditeur a pu se promener dans un autre univers et en goûter les fruits.

 

jJ : Sur quoi travaillez-vous à présent ?

Antoine Tomé : Je fais pas mal de musique en ce moment. Un CD va bientôt commencer à être diffusé, je prépare des spectacles à venir. Je viens de doubler John Travolta dans un téléfilm. Je double Nestor Carbonnel, l'inspecteur Romero, dans la série Bates Motel. Je fais des Narrations Documentaires, des voix pour des dessins animés, de sjeux vidéo, de spubs, etc. Je viens de jouer le rôle de Jo Doucet, ancien para recyclé dans la boucherie, un petit rôle dans la série Lebowicz contre Lebowicz, avec Clémentine Célarié... Je mène ma vie de saltimbanque, en somme...

 

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A
très beau blog sur la littérature. un plaisir de me promener ici.
Répondre
J
merci Angeline