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La Dimension du sens que nous sommes

De la Dignité de l’Homme, Pic de la Mirandole

28 Février 2017 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #essais

Les éditions de l’éclat ont publié en septembre 2016 une nouvelle traduction de l’introduction de Pic de la Mirandole à ce qui devait être son œuvre majeure, jamais réalisée. Fin 1485 en effet, Giovani voulut faire venir à ses frais les plus grands savants de son temps pour discuter 900 thèses intellectuelles et spirituelles accumulées depuis l’Antiquité par l’humanité. Tout connaître. Il n’avait que 23 ans et passait déjà pour un érudit hors norme. Discrédité par sa volonté d’intégrer aussi des thèses de «Magie», Giovani dut se résoudre à publier, seul, ses Conclusiones, un monument de connaissances, labyrinthique, et dont la forme déroute à maints égards. C’est ici en quelque sorte l’introduction à cette œuvre qui nous est offerte, l’Oratio, élégant et savant qui, bien qu’écrit dans le plus pur style humaniste d’une rhétorique que par ailleurs il dénonça avec force, nous offre une réflexion philosophique de tout premier choix. Un texte documenté à l’envi, gorgé de lectures dont il rend compte abondamment, dans un style qui mériterait à lui seul une thèse –mais parfaitement instruit pour nous par Yves Hersant. C’est que l’éloquence, ici, doit servir la vérité. L’orateur s’est voulu philosophe, mais enracinant sa pensée dans une sorte de philosophie paradoxale qui n’a de cesse que de chercher ce qui peut unifier toutes les doctrines en lice par-delà leurs différences. Concordia Discors, souhaitait Pico, car ce qui lui importait c’était de repérer ce qui fondait la différence de l’homme au sein de la Création, cette différence qu’il nomme sa dignité. Une dignité qui n’est rien d’autre que sa liberté, aux bases incertaines : «faute de nature propre, l’homme doit prendre en charge toute la nature », c’est-à-dire la connaître. Adam, à ses yeux, est ainsi par défaut ouvert à tous les possibles. Et en poète de lui-même, il ne peut et ne doit que s’auto-créer. C’est là que repose la dignité de l’homme, dans cette autorévélation pathétique si l’on peut dire, et c’est mà que repose sa différence et sa supériorité sur l’ensemble de la Création, anges compris. «Toi, aucune restriction ne te bride, c’est ton propre jugement auquel je t’ai confié, qui te permettra de définir ta nature ». Toutes les Lumière sont contenues dans cette petite phrase tragique. Tout ce à quoi l’humanité n’a pu que se confronter. Ni céleste, ni terrestre, ni mortel, ni immortel, l’homme, ce caméléon, ne peut échapper à l’injonction qui lui est faite de se donner sens. Son histoire ? C’est la dimension du sens qu’il voudra bien être…

 

De la Dignité de l’Homme, Pic de la Mirandole, traduit du latin et commenté par Yves Hersant, éd. L’éclat, coll. Poche, septembre 2016, 106 pages, 7 euros, 9782841624034.

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