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La Dimension du sens que nous sommes

Les Arméniens 100 ans après, Séda Mavian

26 Juin 2015 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #essai

Les Arméniens 100 ans après, Séda Mavian

100 ans plus tard, les Arméniens sont une nation éparpillée aux quatre coins du monde. Car si l’on compte 10 millions d’Arméniens dans le monde, 6 à 7 millions d’entre eux vivent en diaspora. Très peu donc, dans cette Arménie si jeune, qui n’a recouvré son indépendance qu’en 1991 et qui aujourd’hui se dépeuple. Beaucoup encore dans le Haut Karabagh, à vivre toujours dans l’angoisse de la reprise des pogroms des années 1988-90, et l’attente angoissée d’une intervention militaire de l’Azerbaïdjan.

100 ans après le Grand Crime (Mètz Yèghèm), les arméniens sont toujours hantés par le spectre de la disparition. Il s’agit toujours pour eux de survivre, comme si le monde s’employait à réactualiser le spectre de 1915, pour en faire la réalité obsessionnelle du peuple arménien. Survivre à l’assimilation croissante qui frappe de plein fouet la diaspora arménienne, survivre à la disparition possible des arméniens d’Arménie toujours sous la menace de l’Azerbaïdjan, survivre à la disparition du patrimoine culturel arménien. Et s’inventer une nouvelle identité que le peuple arménien ne peut plus fonder comme autrefois sur la religion, sur la langue ou les coutumes. Car aujourd’hui, les marqueurs identitaires ne fonctionnent plus pour ce peuple dispersé dont le sentiment commun d’appartenance n’est plus relayé que par la mémoire de 1915. Mais peut-on vivre longtemps dans le seul sentiment d’être un descendant des victimes de 1915 ?

Comment refonder cette identité, s’interroge l’auteure, au-delà de la tragédie commune ? Par la Connaissance, affirme-t-elle, libérée des entraves que constitue toujours le trop long combat des arméniens pour la reconnaissance internationale de leur génocide. Un combat qu’il faut poursuivre, amplifier, jusqu’à contraindre la Turquie à reconnaître ce génocide, et tout comme la France dans le cas des juifs français déportés et spoliés, la contraindre à poser la question des réparations. Sans quoi 1915 risque fort de refermer tout projet de destin sur la seule conscience de n’être que vivant.

Livre étrange, non linéaire que nous offre Séda Mavian, comprenant des portraits, des entretiens, une courte histoire géopolitique de l’Arménie, un aperçu de la culture et des problématiques identitaires des arméniens d’aujourd’hui. Plus une geste, une gestation, qu’un document qui viendrait surplomber une histoire close. Curieux livre, entre l’essai et le document, à l’image de cet éparpillement dans lequel la voix arménienne doit trouver à s’inscrire pour tenter de saisir quelque chose qui ferait sens.

Les Arméniens 100 ans après, Séda Mavian, éditions Ateliers Henry Dougier, coll. Lignes De Vie D'un Peuple, avril 2015, 145 pages, 12 euros, 979-1093594422.

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