Quels délinquants traquer ?
La loi de surveillance généralisée de la totalité de la population française a été faite pour 3 000 personnes suspectes, selon les propos de Valls. 3 000 suspects comptabilisés, fanatiques ou adolescents perdus en voie de radicalisation, identifiés par les services de renseignement, lesquels services, semble-t-il, ont le plus grand mal à les traquer et s’imaginent que cette poignée de «djihadistes» potentiels sera assez débile pour échanger sur les réseaux sociaux des informations capitales quant aux crimes qu’ils voudraient commettre… Nos «idiots utiles» en somme, selon l’expression de Lénine, qui ont permis l’adoption d’une Loi liberticide en France, ex-pays des droits de l’Homme et du Citoyen. Une Loi votée sans débat Public, sanctionnant la mort de la Représentation Publique, à la remorque désormais d’une idéologie de défaite qui risque fort d’entraîner dans sa dérive toute la nation française… L’occasion pour nous, citoyens d’une société civile refusant le mur dans lequel nous précipite cette classe politico-médiatique, de réfléchir sur les conditions d’un vrai débat public, qui tant fait défaut à cette pseudo démocratie que les néo-libéraux les plus réactionnaires de notre histoire ont fini par imposer. Et de nous interroger sur les choix du système répressif français : qui surveiller, qui punir ?
Le 12 avril 2012, trois semaines après la première parution du livre d’Antoine Peillon (Ces 600 milliards qui manquent à la France), le Parquet de Paris désignait (enfin) un juge d’instruction pour mener une information judiciaire sur l’évasion fiscale en France.
Le 17 avril, ce même Peillon était (enfin toujours) auditionné par la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion fiscale. L’auteur exposa ce que tout le monde savait, à savoir que la police et la Justice françaises disposaient d’une masse invraisemblable d’informations sur la question -dont elles n’avaient jamais rien fait. Et pour cause : le 23 mai 2012, le Juge témoignait à son tour devant la même commission sénatoriale, pour révéler l’existence d’un verrou politique : il devait attendre une plainte du Ministre du Budget pour instruire officiellement son enquête. Jamais aucun ministre du Budget, en France, ne s’était soucié de porter plainte contre l’évasion fiscale.
Le 3 juillet 2012, Jean-Marc Ayrault promettait de régler une fois pour toute la question de l‘évasion fiscale.
Le 24 juillet 2012, la commission d’enquête sénatoriale publiait 59 propositions pour contrôler cette évasion fiscale. Le rapport de ladite commission devait être remis au Ministre de l’économie et proposé à l’Assemblée nationale dans le cadre du débat budgétaire.
On l’attend toujours. La Crise, elle, n’attend pas, qui commande de récupérer ces milliards qui nous sont dus.
L’affichage d’une prétendue indignation morale laisse, aujourd’hui encore, aujourd’hui toujours, à l’heure où l’Administration policière s’apprête à arrêter des centaines de milliers de français par erreur, selon les mots même du Ministre de l’Intérieur, intacte la délinquance en col blanc. Aucune mesure radicale n’a été prise à son encontre. Aucune régulation publique n’est à l’ordre du jour, sinon comme effet d’annonce : aucune réponse politique n’a jamais apporté de solution, aucun débat public n’a jamais été lancé sur la question. 600 milliards d’euros s’évaporent chaque année des poches de la Nation sans que cela ne préoccupe outre mesure les autorités. Les décisions judiciaires, quand elles sont prises, restent pitoyables, les personnalités publiques en cause s’acquittant d’une modeste amende avant de retourner à leurs affaires… Zone d’ombre de la démocratie française, la presse s’en détourne sitôt le scoop publié, en faisant comme si cette lâcheté juridique était l’affaire de tous, alors que tous savent bien qu’il existe une connivence politique qui interdit de mettre en cause la classe politico-médiatique, celle-là même qui chaque jour instruit un débat moral débile sur la nécessité de suspendre les libertés civiles des français face à la menace terroriste. Seule la dangerosité des classes populaires est d’actualité. La délinquance des élites, elle, n’est jamais perçue comme une menace pour l’ordre social. Bien qu’il s’agisse d’une délinquance organisée, planifiée, préméditée. Rappelez-vous la banque Goldman Sachs spéculant sur l’effondrement de ses propres titres, contre ses clients… Une délinquance qui s’est traduite par la montée en puissance d’une collusion de plus en plus efficiente entre les cercles mafieux et financiers : c’est la British Petroleum communiquant des informations aux escadrons de la mort en Colombie pour éliminer les militants écologistes qui l’ennuyaient.
En France, toutes les instances de surveillance des délits financiers sont… corporatistes ! Les régulés font partie de ces instances de régulation… Voyez l’organigramme de la Commission consultative des marchés publics… Et quant à la sanction, elle relève la plupart du temps d’organismes administratifs plutôt que judiciaires : seul 1% des infractions observées est transmis aux autorités judiciaires… La délinquance des élites occupe ainsi une place ultra marginale dans le traitement répressif de la Nation, tandis que nous assistons à un durcissement de la répression de la petite délinquance et à la surveillance généralisée de la population française. L’essentiel de l’argent des contribuables est mobilisé pour entretenir un système pénal focalisé exclusivement sur des délits de faible importance. Les détournements d’argent, extrêmement dommageables, économiquement, socialement, éthiquement, à l’ensemble de la société française, ne font jamais l’objet d’un processus de criminalisation, pas même celui d’un Débat Public. La justice française est clivée : pénale pour les pauvres, administratives pour les riches. Quid de la Démocratie dans ces conditions ?