La dynamique de la révolte, Eric Hazan
Partout dans le monde les peuples se rebellent. Partout en Europe, les peuples se révoltent. Sauf en France… Le seul pays occidental à se doter d’une loi de surveillance de ses citoyens digne des pires dictatures, sans que cela ne provoque d’explosion de colère -à peine une vague d’inquiétude vite rabrouée par des socialos plus réactionnaires que jamais.
Partout dans le monde les peuples tentent de se saisir de leur destin. Sauf en France, où aucune révolution ne paraît possible. Où il ne se passe rien. Bien que le quotidien y devienne invivable. Faut-il repenser l’action commune ?
Eric Hazan s’est penché, moins sur cette question que sur celle du surgissement de l’étincelle qui viendra à coup sûr mettre le feu à la plaine française. On a beau se rassurer, du moins la classe politico-médiatique au pouvoir a beau tenter de nous faire avaler la couleuvre d’un pays dépolitisé, tout le monde sait que c’est faux et que sous le désordre des conduites individuelles, une grande colère politique couve. Or les insurrections sont faites d’abord de colère, et d’espoir. De cet espoir qui surgit comme un impératif quand il n’y a plus rien à attendre de ses dirigeants. De la colère soutenue par l’espoir donc, non d’une poignée d’activistes qui sauraient pousser un peuple à sa résurrection, mais d’un agir désordonné de ces populations qui ne font pas encore peuple. Car d’où viendront, en France, les conditions du renouveau, nous n’en savons rien. De cette France périphérique sans doute, qui ne fait que survivre loin des centres de la décision politique. De ces périphéries relayées un jour par les banlieues plutôt que de ces cœurs urbains occupés par la nouvelle Droite bobo. Les grandes insurrections de 1789, de 1917 ont été anonymes, nous rappelle Eric Hazan. C’est de l’action commune, d’un agir désordonné qu’émerge le désir du changement et la réflexion politique, non de la diffusion d’idées magistrales. C’est de ces agir désordonnés que viendra le vrai changement, débordant les dérivatifs habituels. Même s’ils sont puissants en France aujourd’hui, à commencer par cet épouvantail du FN brandit toute honte bue par une Gauche subornée qui le porte jour après jour à son plus haut niveau d’étiage pour nuire à toute prise de conscience nationale. Car le fascisme français n’est qu’un leurre, ainsi que nous le rappelle opportunément Eric Hazan. Un leurre fabriqué par la classe politico-médiatique pour se maintenir au pouvoir. Un égarement construit. Tout comme le manque d’alternative politicienne, pour nous forcer à croire qu’il n’y a pas d’autre issue que le front républicain pour sauver une république qui n’est même plus digne du nom dont elle s’affuble. Une démocratie dont le seul objectif est de sauver les intérêts privés d’une poignée de négociants corrompus, FN en tête. Mais tout le fatras idéologique des élites a beau tourner autour de ces deux notions vides de sens –république, démocratie-, nul n’est plus dupe devant ces grands fétiches odieux qui ne nous consolent même plus de l’absence d’une vraie république en France.
D’où surgira cette révolte, nous n’en savons rien. Nous irons vers une cristallisation inattendue. Qui bousculera comme un château de cartes les vieux rapports de force appris. Il suffira alors de s’engouffrer dans la brèche. Ouverte ensuite en grand par les réseaux sociaux qui lui donneront une résonnance mondiale –on comprend l’acharnement de Valls à vouloir les contrôler avec sa loi infâmante : ils sont peut-être le lieux d’une offensive possible quand il n’existe plus de lieux symboliques du pouvoir. Sinon la radio « nationale » –et cette grève qui pourrait être, sans qu’on y prenne garde, le signe avant-coureur de nos défections prochaines.
Eric Hazan, La dynamique de la révolte, Sur des insurrections passées et d’autres à venir, La Fabrique éditions, mars 2015, 140 pages, 10 euros, ean : 9782358720717.